6 jours entre les Grisons et l'Autriche

En ce début avril 2025, la neige n’est pas vraiment au rendez-vous. Il a très peu neigé cet hiver, et les glaciers ne sont pas tous praticables. Pour la haute route entre les Grisons et l’Autriche, ce détail a toutefois moins d’importance : il y a peu de glaciers sur l’itinéraire, et ceux présents restent praticables même en été.
Nous partons ce lundi matin 31 mars en train, direction Scuol, en Basse-Engadine, presque tout au bout des Grisons. Pour ce premier jour de la Haute Route, la météo n’est franchement pas de notre côté. Il a neigé tout le week-end dans les Grisons, avec du vent, et aujourd’hui encore, le ciel est complètement bouché.
Nous sortons du train peu après midi pour rejoindre les installations de Scuol. Mauvaise nouvelle : les deux remontées vers le Piz Champatsch sont fermées, en raison du danger d’avalanche et de l’impossibilité de faire voler un hélicoptère pour miner. Impossible donc de rejoindre la Heidelberger Hütte depuis là.
Plan B : passer par Samnaun, dont les installations sont reliées à celles d’Ischgl. Il nous faut pour cela une heure de bus, en passant par l’Autriche. On jette un œil rapide aux horaires : le prochain bus part dans 5 minutes, sinon c’est une heure d’attente… ce qui risque de faire trop tard pour atteindre la cabane.
Petit sprint en chaussures de ski et nous sautons dans le bus juste à temps. Un rapide coup de fil aux remontées de Samnaun nous rassure : le domaine est ouvert… sauf la benne qui monte au Piz Val Gronda… Zut… Mais rien de dramatique : une montée de 45 minutes à ski nous permettra d’atteindre le col juste en dessous, puis de nous laisser glisser jusqu’à la cabane.

Deuxième journée: c’est la grosse journée de notre trip. L’objectif : enchaîner deux étapes en une seule journée pour rejoindre la Wiesbadener Hütte, sans passer la nuit à la Jamtalhütte.
Au réveil, première bonne nouvelle : il ne neige plus 😉. Pendant le petit-déj, on aperçoit par moment les sommets alentour. On croise les doigts pour que le ciel se dégage complètement avant la première descente.
Nous sommes les premiers à quitter la cabane, nous traçons jusqu’au Zahnjoch dans une neige bien travaillée par le vent. Heureusement, pendant la montée, les nuages s’éclaircissent peu à peu. Résultat : une belle descente avec de la visibilité, et même de la bonne poudreuse dans les combes – le genre de récompense qui met tout le monde de bonne humeur.
On passe à côté de la Jamtalhütte sans s’y arrêter, et on remet les peaux pour la deuxième ascension de la journée. Direction le Tiroler Scharte, un joli petit col qui permet de basculer directement vers la Wiesbadener Hütte.
Bonne surprise : une trace est déjà faite, ce qui réduit un peu l’effort pour celui ou celle qui mène. Mais ce matin, la plupart des groupes ont pris l’itinéraire par le col sous le Dreiländerspitz, donc on doit quand même tracer la fin de la montée.
L’effort est vite récompensé : une superbe descente en neige poudreuse nous mène tout droit à la cabane. Fin de journée bien remplie, les jambes sont fatiguées, mais les sourires bien accrochés.

Ce mercredi, nous devons traverser jusqu’à la Silvrettahütte. L’objectif du jour : atteindre le sommet du Piz Buin, le plus haut sommet de la région.
Pas de stress ce matin, on profite de dormir un peu pour récupérer de la grosse journée de la veille. La cabane était presque pleine, mais la plupart des gens sont partis bien avant nous. Résultat : on évite la cohue et on se retrouve tranquille à l’arrière du peloton.
Arrivés sur le plateau de l’Ochsentälergletscher, on constate que le Piz Buin est complètement dans les nuages… En revanche, le versant du Silvrettahorn est dégagé. Changement de plan : on oublie le Buin pour aujourd’hui et on vise plutôt le col sous le Silvrettahorn.
L’ascension se fait dans le vent — pas des conditions très engageantes pour un sommet. Arrivés au col, on confirme la décision : pas de sommet aujourd’hui. Avec ce vent, ce serait ni agréable, ni vraiment sûr.
On descend donc directement à la cabane, où l’on s’offre une petite pause pique-nique bien méritée. Ensuite, histoire de profiter un peu, on repart pour une courte montée derrière la cabane… et on trouve de la poudreuse encore bien préservée dans le Galtürtälli. Le tout, au soleil et sans vent. Une belle façon de terminer cette journée un peu improvisée.

Quatrième jour, et enfin une journée de grand beau ! Cette fois, on va pouvoir atteindre un sommet. On déjeune alors que les premières lueurs rosées illuminent les cimes — un moment magique.
Il fait très froid ce matin : la nuit a été bien dégagée, et un petit vent glacial descend du glacier, nous mordant le visage dès qu’on sort.
On commence l’ascension en direction du Rote Furka. Sa pente sud-est, raide et bien ensoleillée, nous réchauffe progressivement alors que le soleil grimpe. On rejoint ensuite le Klostertaler Gletscher avant d’atteindre l’arête qui nous mènera au sommet du Silvrettahorn.
Là, on dépose les skis, on chausse les crampons et on s’encorde pour la dernière partie. Nous atteignons le sommet peu avant midi, sous un grand soleil et sans un souffle de vent — conditions parfaites pour savourer le moment.
La descente se fait par le même itinéraire qu’à l’aller. Pas de poudreuse aujourd’hui : le vent de la veille a tout balayé. Mais la satisfaction d’avoir enfin atteint un sommet rend cette journée particulièrement belle.
On passe une deuxième nuit à la Silvrettahütte, fatigués mais heureux.

Ce vendredi matin, nous nous levons avec comme objectif la cabane Tuoi, en passant par le sommet du Piz Buin. La journée s’annonce magnifique, et le soleil est au rendez-vous.
Ski aux pieds, nous remontons tranquillement le Silvrettagletscher jusqu’à rejoindre la Fuorcla dal Cunfin. De là, on passe de l’autre côté du massif et on dépose les skis au niveau de la Fuorcla Buin. L’ascension finale se fait en crampons, encordés.
Une belle trace est déjà en place, ce qui nous permet de monter efficacement, sans trop se fatiguer. On atteint rapidement le passage mixte, entre neige et rocher. Une fois ce passage franchi, il ne reste plus que la dernière pente sommitale à gravir.
Au sommet, on prend juste le temps de quelques photos. Le week-end approche, le temps est au beau fixe depuis deux jours, et les alpinistes affluent : derrière nous, ça commence à bouchonner sérieusement.
On redescend rapidement jusqu’aux skis, et là, pause bien méritée avant de glisser vers la Chamona Tuoi. La descente se fait sur de belles pentes en neige de printemps, revenue juste comme il faut. Arrivés à la cabane, on s’offre une bonne tarte et un moment de détente au soleil — une vraie récompense après cette journée parfaite.

Dernier jour… qui veut aussi dire retour à la maison et à la civilisation.
Cette nuit, la cabane était pleine à craquer. La météo du week-end s’annonce splendide, et beaucoup en ont profité pour partir en cabane dès le vendredi. Ce matin, on prend notre temps : on déjeune après la cohue, au calme, sans se presser. Il ne nous reste plus qu’une descente tranquille jusqu’à Guarda, où l’on prendra le bus.
Grâce aux chutes de neige du début de semaine, on évite de longs portages : on peut presque rejoindre le village skis aux pieds. Un luxe, en fin de raid.
Puis c’est le long voyage de retour vers la Romandie… les souvenirs plein la tête — et déjà l’envie de repartir.
Une semaine magnifique en montagne, des paysages grandioses, et surtout, une équipe de choc. Que demander de plus ?




Merci beaucoup Hervé pour ce magnifique parcours! Quel plaisir de découvrir cette belle haute-route sous ta super conduite!
Je me suis trouvée en parfaite sécurité durant toute la semaine.
Ton récit retrace bien notre joli parcours.
Bonnes fêtes de Pâques avec mes meilleures salutations
Monika